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15/03/2023

Xavier Gisselot a lâché sa start up pour "l’Écohabitat léger local"

Reportage : Jean-Yves Dagnet


Leur start-up avait pour clients Google, Facebook. Elle brillait. Et puis, Xavier Gisserot et ses amis ont vu le documentaire "Demain"… le soir-même, ils décidaient de vendre. Aujourd’hui, pour répondre aux enjeux écologiques et sociaux, Xavier Gisselot lutte contre l’artificialisation des sols en développant un « écohabitat léger local ». Étonnant et prometteur.


20230316_xavier_gisselot_a_lache_sa_start_up_pour_l__ecohabitat_leger_local.mp3 20230316 Xavier Gisselot a lâché sa start up pour l'écohabitat léger local.mp3  (8.27 Mo)


HEC et Polytechnique

Xavier Gisselot se présente lui-même comme « une tête bien pleine dont l’avenir dans le monde de la  start-up internationale dégageant de gros revenus était assuré ». Originaire du sud de la France, il a un parcours de bon élève, très bon même, puisque qu’après une prépa, il intègre HEC et fait un double master à Polytechnique. « Je n’ai pas fait cela par amour pour le business ou les grandes écoles mais parce que je ne savais pas trop quoi faire, on m’a dit que je pourrais faire ce que je voulais après. »

Problème, les études à HEC coûtent cher, 60 000 euros qu’il faut rembourser : « Là, je me suis confronté à des réalités qui étaient que non, je ne pourrais pas faire ce que je voulais avec, à la sortie de mes études 1200 euros par mois à rembourser. » N’ayant pas envie de travailler dans la banque ou le conseil, il crée une entreprise avec deux autres amis, il a alors 22 ans : « Une start-up qui développe un logiciel de prospection commerciale vendu à Google, Facebook et à de très grosses multinationales. » La petite entreprise se développe à la vitesse de l’éclair. « En six mois,  nous avions remboursés nos emprunts étudiants. »

"Nous ne voulions pas vivre sous une bulle ou un ghetto"
"Nous ne voulions pas vivre sous une bulle ou un ghetto"

Un virage radical

Mais au moment de passer le cap de l’augmentation du capital pour accélérer le développement ils voient le documentaire Demain« Ça nous a rappelé à l’ordre. » « On n’avait pas une grande sensibilité écologique mais on avait une sensibilité sociale, on s’est rendu compte qu’on avait glissé du "on veut travailler pour rembourser nos emprunts" à "on veut gagner assez d’argent pour être libre de ne plus travailler et sortir du système". Ce monde des start-up qui enrichissent des actionnaires ne nous convenait pas et ne répond pas aux enjeux écologiques et sociaux. »

Le soir même, après avoir vu le film, ils décident de vendre l’entreprise. « Pas une fortune car elle n’avait qu’un an et demi mais il nous restait suffisamment d’argent pour voir venir. » Xavier et Clémence, sa compagne, partent avec SévaK Kulinkian, un des autres associés de l’ex start-up à la recherche d’une vie susceptible de leur convenir. Ils identifient douze projets autour de la ruralité, du lien social, de l’habitat participatif sous toutes ses formes en France et à l’étranger, « des modes de vie  qui ne sont ni religieux, ni sectaires. »

Au bout d’un an, ils reviennent avec une conviction : « L’habitat partagé nous convient mais à condition qu’il soit le moins cher possible, avec un minimum d’impact sur l’environnement et intégré dans le milieu car nous ne voulions pas vivre sous une bulle ou un ghetto de type bobo. » De ces convictions naît un concept, celui d’écohameau léger qu’ils vont proposer aux communes rurales.

"On a besoin d’habiter, pas besoin d’acheter le foncier."
"On a besoin d’habiter, pas besoin d’acheter le foncier."

L’habitat léger : démontable, recyclable, déplaçable...

Partant des rencontres qu’ils ont pu faire pendant leur voyage, ils développent un modèle où chacun est responsable de sa maison qu’elle soit petite ou grande, construite avec des matériaux recyclés ou recyclables, démontable ou déplaçable et sans le moindre impact sur les capacités du sol à retrouver son usage premier. « C’est de la zéro artificialisation nette, cela signifie zéro béton pour les fondations. »

 « Ici, à Saint-André-des-eaux, les maisons sont construites sur des pilotis ou des pneus. L'une des plus grandes est de seconde main, achetée ailleurs, elle a été démontée puis remontée. La mienne, plus petite, a été montée en quatre jours et à coûté 15 000 euros », détaille Xavier. Autre particularité, la propriété du sol : « Nous séparons la propriété de l’habitat - où chacun peut faire le type de maison qu’il souhaite, puis en changer, la vendre et l’agrandir comme il veut - de la propriété du sol qui ne nous appartient pas. On a besoin d’habiter, pas besoin d’acheter le foncier. »

A Saint-André-des-eaux, le terrain est loué avec un bail emphytéotique par la commune, à l’association qu’ils ont créée. « Nous versons à la commune un loyer mensuel de 50 euros par foyers et par mois. Le site comprend des maisons individuelles et des espaces communs car en cohérence avec notre logique de faible impact, les maisons sont relativement petites mais complétées par des espaces communs pour les amis, les réunions, les fêtes, la buanderie… »  Le tout avec une part importante d’auto-construction, ils s’inscrivent clairement dans une logique d’autonomie et de sobriété pour baisser les coûts de la vie.

EN PHASE AVEC L'OBJECTIF "ZAN"
La loi Climat Résilience votée le 22 août 2021 prévoit le Zéro Artificialisation Nette (ZAN) à l’horizon 2050 et fixe l’objectif d’une réduction de 50 % avant 2030. Ce n’est pas gagné à l’heure où beaucoup rêvent de la maison sur son terrain privé et si possible "grand le terrain".

150 foyers adhèrent à l'épicerie coopérative
150 foyers adhèrent à l'épicerie coopérative

Emplois, services... une dynamqieu de territoire

« Notre projet s’intègre dans la logique du territoire et déborde largement le simple fait d’habiter quelque part, il est élaboré avec la commune et les habitants de la commune, pas dans une optique de colons. » A Saint André-des-Eaux, c’est la commune qui les a contactés en 2020.  Elle avait un projet de lotissement, et le territoire étant très engagé dans le renouvellement et la préservation du bocage, elle s’intéressait à la construction de maisons en bois. En plus, le café restaurant et l’épicerie étaient à reprendre …

« Nous avons intégrés tous ces éléments dans notre projet pour la commune. » Malgré cela, une pétition a été lancée par certains habitants qui auraient préféré un lotissement plus classique. « Il est vrai qu’à l’époque nous avions reçu le soutien du maire de Langouët connu dans toute la France pour son combat contre les pesticides, et dans cette commune agricole, certains habitants craignaient sans doute l’arrivée d’une bande de Khmers verts ». Ils tiennent des permanences, rencontrent les habitants, la mairie met en place un cahier de doléances. « Sur les 30 commentaires déposés, 29 soutenaient le projet. » Le conseil municipal vote : 7 voix pour et 3 contres.

« Nous sommes donc venus à St André-des-Eaux. C’’est une petite commune de moins de 400 habitants, mais il y a  beaucoup de jeunes, beaucoup de familles et une vraie dynamique locale avec des gens engagés ».

Aujourd’hui, début 2023, cinq maisons sont construites ou en construction au "Hameau léger du Placis ". L’association a repris un écocentre initialement créé par des artistes locaux. Elle y a installé son siège national dans un grand bâtiment autonome en énergie. Elle y développe une activité de conseil auprès des collectivités locales et emploie neuf salariés. L’épicerie a été reprise sous forme participative avec 150 foyers adhérents et une trentaine de producteurs locaux. Le café « L’Éprouvette est géré sous forme coopérative, c’est un lieu vivant qui organise une trentaine d’évènements par an. « Au total une quinzaine d’emplois ont été créés dans le village, on contribue à la dynamique locale. »

L’Écohabitat léger au cœur d’une réflexion plus large.

Aujourd’hui l’association accompagne onze projets d’écohabitats légers, la plupart en Bretagne, l’un notamment à Saint-Aubin-du-Cormier dans la région de Fougères. Reproductible donc le modèle ? « Certainement pas à l’identique. » A Saint-Aubin, ils en sont à la pré-étude en concertation avec les élus et les habitants dont certains sont déjà impliqués dans un café associatif. 

« L’habitat est à l’intersection de beaucoup de choses et chaque territoire a ces spécificités. Le défi est de se sauver des crises en dépassant le seul logement pour nous poser la question de la résilience du territoire sous toutes ses dimensions, écologique, sociale, économique, culturelle… »
                                        
Jean-Yves Dagnet
POUR ALLER PLUS LOIN
• Un reportage vidéo de l'association "Hameaux légers" (16'24)

• Découvrir l'association Hameaux Légers
 
• Apprendre en ligne à "S'installer en habitat réversible"
Aller sur ce MOOC, un parcours d'apprentissage en ligne, gratuit, ouvert et accessible à toutes et à tous




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